Œuvre de Sophie Lecomte - Agrandir l'image

© Sophie Lecomte 

Interview

Sophie Lecomte, "La trace du vivant dans la nature m’a toujours passionnée"

Les sculptures, peintures et installations de Sophie Lecomte sont exposées à l’Espace Saint-Jean de Melun depuis le 18 mars et jusqu'au 16 avril. Des assemblages étonnants et parfois inquiétants qui évoquent une méditation sur le temps.

Publié le

Quel parcours avez-vous suivi ?

Je le qualifierai d’atypique pour une artiste plasticienne ! J’étais une bonne élève, j’ai passé un bac scientifique, avant de m’orienter vers un DUT informatique. Diplôme en poche, ce qui rassurait mes parents, j’ai décidé qu’il était temps que je fasse ce dont j’avais vraiment envie. Je voulais être artiste, mais n’avais aucune pratique. Je me suis inscrite à des cours de la Ville de Paris, puis je suis entrée en Deug d’arts plastiques à Paris 1. L’année suivante, j’ai été admise à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts. Si bien que je suivais 2 cursus en même temps. C’était passionnant. À l’université, les cours théoriques sur l’histoire de l’art, les mouvements avant-gardistes et l’esthétique m’ont appris à réfléchir et à structurer ma pensée. Aux Beaux-Arts, la pratique en atelier, sans contrainte. Nous étions complètement livrés à nous-mêmes. Idéal pour moi ! Car j’utilisais ma tête et mes mains. 

Comment avez-vous trouvé votre style ? 

C’est toujours compliqué d’y parvenir, mais un événement personnel a marqué un tournant dans ma vie d’artiste. Mon grand-père est décédé. En le voyant, allongé sur son lit, je repense à tous ces insectes et ces végétaux que j’aimais récolter, étant petite. Je commence alors un travail répétitif. Tous les jours, je ramasse quelque chose dans la rue : un papier, un ticket, un insecte mort ou une feuille. Je le découpe en forme de scarabée et je constitue un éphéméride de 365 scarabées, qui sont autant de petites pensées en hommage à mon grand-père. C’est ce qui m’a toujours passionnée : la trace du temps et du vivant dans la nature.

Comment avez-vous enchaîné après ? 

Je me suis intéressée aux fossiles, qui sont des sculptures naturelles, les restes d’un temps passé qui n’est plus. J’en ai ramassé au hasard de mes pérégrinations. D’ailleurs, c’est toujours la base de mon travail artistique. Je glane des matériaux voués à la disparition et leur redonne vie. Une forme de renaissance grâce à l’art.

Parlez-nous d’Haire, votre robe de cheveux...

Ma mère me coupait elle-même les cheveux et, chaque fois qu’elle le faisait, elle gardait des boucles ou une natte. Ces cheveux, que j’ai retrouvés, ont cristallisé une réflexion sur le temps qui passe. Que reste-t-il de notre enfance ? Nous sommes toujours la même personne et pourtant l’enfant que nous étions n’est plus. Les cheveux sont comme un fil d’Ariane. J’ai commencé à créer une robe avec mes cheveux d’enfant ; c’est un vêtement qui est comme une coquille formée de ma propre exsudation, une sculpture de peau. À mesure que le temps s’écoule et que mes cheveux poussent, je les coupe, les garde et les intègre à ma robe qui grandit et continue de le faire comme un végétal dans la nature. 

Le temps s’inscrit-il comme un fil rouge dans votre travail ? 

Je poursuis ma réflexion sur le vivant. Je trouve des matériaux dans la nature, des choses ayant une âme et un sens. Je travaille sur l’idée d’empreinte et de mue. Je cherche des ponts entre les règnes animal, végétal et minéral. Par exemple, j’ai créé un vêtement d’enfant avec des champignons. C’est comme une carapace. Parce que nous, humains, en sommes dépourvus. Nous n’avons que la peau, que rien ne recouvre. 

Que nous dit la Botte de Diane ?

Je suis partie du mythe de Diane et Actéon. La déesse Diane se baigne. Actéon la voit. Pour le punir de cette audace, Diane le change en cerf et ses chiens le mangent. Ma botte de Diane est faite d’épines de roses, elle est très élégante et, en même temps, elle matérialise la patte du cerf. En s’amalgamant, les épines deviennent une fourrure.

 

La verra-t-on à l’Espace Saint-Jean de Melun ?

Oui, sans doute. L’exposition comprendra aussi des sculptures objets et des dessins. Je peins à l’aquarelle et à l’encre. Comment la tâche devient-elle une forme ? Cela me fascine. Récemment, j’ai beaucoup travaillé sur le bleu et la transparence. À l’Espace Saint-Jean, qui est très grand, j’aimerais créer un va-et-vient entre les sculptures et les peintures. Il y aura des œuvres anciennes et des créations récentes. J’aime préparer des expositions, que je prends comme des challenges. Je crée du nouveau jusqu’au bout, jusqu’à la date limite !

 

Propos recueillis par Virginie Champion (agence TOUTécrit)

A retrouver...