Interview
Sylvain Levey, "Si on est différent, a-t-on droit au bonheur ? "
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Comment est né ce spectacle ?
Tout est parti de cette question que m’a posé un directeur de théâtre à Orléans : “Quand on parle de soi, parle-t-on du monde ?” Ma réponse a été affirmative. Avec Gros, je raconte mon histoire, celle d’un “petit gros” qui grandit dans les années 1980. Je joue ce spectacle, que j’ai écrit, depuis sa création en 2020 au Mans. Jusqu’à l’âge de 10 ans, je n’aimais pas manger et mes parents étaient inquiets. Puis, au cours d’un été, je me suis mis à dévorer. Gros raconte autant ma lutte pour perdre du poids que celle pour m’épanouir dans le théâtre. J’ai interprété ce one-man-show 170 fois. Ce que j’ai vécu est peut-être universel.
Pourquoi êtes-vous devenu auteur et comédien ?
Lorsque j’avais une vingtaine d’années, j’étais en faculté de sociologie à Rennes. J’ai vu l’affiche d’un atelier-théâtre et je m’y suis inscrit. J’ai ensuite suivi les cours de l’école Charles Dullin à Paris. Depuis 2004, j’ai écrit une trentaine de textes pour le théâtre, dont la plupart s’adressent aux enfants et aux adolescents. Ils ont été joués au Centquatre à Paris, à la Comédie-Française ou à la Schaubühne de Berlin. Le dernier, La fête à venir, a été publié en janvier aux éditions Rue de l’échiquier.
Parlez-nous de la mise en scène de Gros...
À l’origine, la scène était découpée en deux : une cuisine où je prépare un gâteau en racontant ma vie et une terrasse avec une table de jardin. Quand nous avons été contraints de jouer en extérieur, en raison de la crise sanitaire, il a fallu imaginer une nouvelle configuration. Nous avons opté pour une petite caravane des années 1960 que jouxte une terrasse. C’est cette version qui sera proposée à Melun. Les spectateurs sont installés sur des bancs en bois pouvant accueillir 150 personnes, comme ce fut le cas au bord de la Dordogne ou dans une grange de la Creuse.
Aujourd’hui, avez-vous fait la “paix” avec votre poids ?
À 49 ans, je dirais que je me suis fait une raison. Être normal, est-ce ressembler au footballeur Cristiano Ronaldo ? Si on n’a pas exactement les formes définies par les marchands de jeans, a-t-on droit au bonheur ? Je pense évidemment que oui. Gros est un spectacle familial, qu’on peut voir à partir de 10 ans. Il est propice aux échanges après la représentation. De nombreux spectateurs m’ont d’ailleurs confié qu’ils n’étaient pas dans les standards et qu’ils en souffraient.
Propos recueillis par Benoît Franquebalme (agence TOUTécrit)