Zoom sur
Le clown, un amuseur aux multiples facettes
Publié le
Le clown
Éminemment sympathique pour certains, dérangeant voire effrayant pour d’autres, le clown fait partie intégrante de notre imaginaire collectif. Si la figure du bouffon est tout aussi ancienne que celle de la civilisation, le personnage du clown tel qu’on le connaît émerge sur les scènes de théâtre anglaises dans les années 1550. Étymologiquement, le terme provient du mot clot (ou clod), signifiant "motte de terre" ; c’est sous la forme d’un héros comique, rustre et simple – le paysan sans manières – qu’il trouve ses premières incarnations, notamment dans les pièces du dramaturge Robert Wilson.
À la fin du XVIIIe siècle, on le retrouve dans l’univers du cirque équestre : ce sont souvent des garçons de ferme, peu à l’aise à cheval, qui ont pour rôle d’entrecouper les performances des véritables cavaliers et d’enrichir le show. Avec leurs tenues sommaires et leurs postures ridicules, ils déclenchent l’hilarité du public. Au fil des années, leur rôle s’étoffe : ils se font acrobates, jongleurs ou musiciens, et deviennent de moins en moins cocasses. Ils portent des costumes raffinés, se maquillent le visage de blanc et font preuve d’une fantaisie sophistiquée.
Effet cathartique pour le spectateur
À la fin du XIXe siècle, apparaît l’Auguste, un personnage déraisonnable et sentimental, qui renoue avec la tradition populaire de l’amuseur. Avec son nez rouge, son costume bigarré et ses chaussures démesurées, il essaie de faire bien, mais n’y parvient jamais. Vulnérable, souvent malmené par le clown blanc, il fait également office de catharsis pour le spectateur.
Dans les années 1890, c’est le duo Foottit/Chocolat qui symbolise le mieux ce couple dominant/dominé, symbolisant la confrontation métaphorique du pouvoir et de l’imagination.
Les malheurs qui arrivent à Auguste sont d’une nature telle qu’ils pourraient aisément être le lot de n’importe lequel d’entre nous, souligne le chercheur André Strauss dans l’ouvrage collectif Le clown – Rire et/ou dérision ? Nous nous identifions à lui et sommes ravis de le voir soumis aux mêmes contrariétés banales et quotidiennes que nous.
Symbole de la contestation
Devenu incontournable au cirque (Achille Zavatta, les frères Fratellini) et même au cinéma (Buster Keaton, Charlie Chaplin), le clown est toutefois davantage qu’un simple pitre. Ce grand enfant, qui pose un regard naïf sur tout ce qui l’entoure, fait souffler un vent de poésie dans un monde trop codifié. Cette légèreté et cette sensibilité à fleur de peau lui confèrent d’ailleurs des vertus thérapeutiques : les clowns d’hôpitaux, nés aux États-Unis dans les années 1980 sous l’impulsion du docteur Patch, contribuent ainsi au bien-être des enfants malades en faisant entrer le jeu et le rire dans l’univers médical.
A l'inverse, par son attitude décalée et parodique, le clown peut tout autant se montrer subversif. En se présentant à l’élection présidentielle de 1981, Coluche n’a-t-il pas questionné le rôle et la fonction de nos représentants politiques ? En octobre 2019, le maquillage clownesque du Joker, interprété au cinéma par Joachin Phoenix, est également devenu un symbole de la contestation : du Chili à Hong Kong en passant par le Liban, des manifestants ont arboré ce visage blanc au sourire inquiétant pour exprimer leur mécontentement.
Par Natacha Czerwinski (TOUTécrit)
Coluche : "Je veux remuer la merde" | Franceinfo INA
Avec son spectacle "Malàdroite", la Compagnie Cirque Inextremiste abordera le sujet de "l’autre", et plongera le spectateur dans un univers à la fois lunaire et pragmatique. À découvrir samedi 10 décembre, aux 26 Couleurs, à Saint-Fargeau-Ponthierry.